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Péril aviaire - L'Etat condamné ( décision de la CAA de Marseille )

Le 06 juin 2018
La collision avion/oiseau est une source régulière d'accidents importants tant pour l'aviation civile que pour l'aviation militaire. Le service du péril aviaire est rarement condamné, mais il peut l'être, comme en l'espèce.

Références
Cour Administrative d'Appel de Marseille

N° 05MA00761
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre - formation à 3
M. GUERRIVE, président
Mme Sylvie FAVIER, rapporteur
Mme BUCCAFURRI, commissaire du gouvernement
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats

Texte intégral
Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 31 mars 2005 sous le n° 05MA00761, le recours présenté pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT , DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT , DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser une somme de 2.369.212 euros assortie des intérêts à compter du 15 septembre 2000 au groupement d'intérêt économique (GIE) la réunion aérienne, et une somme de 866.151 euros assortie des intérêts à compter du 16 octobre 2000 à la société Air France ;

2°) de rejeter les demandes du GIE la réunion aérienne et de la société Air France ;

3°) de les condamner solidairement à verser 5.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;


.............


Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 2 février 2006 présenté pour le GIE la réunion aérienne et la société anonyme Air France par l'association d'avocats Van Der Meulen et Marian ; le GIE la réunion aérienne et la société Air France demandent à la Cour de rejeter la requête et de condamner l'Etat à leur verser 5.000 euros chacun en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;


.............

Vu le mémoire enregistré le 7 février 2006 présenté pour la chambre de commerce et d'industrie de Marseille par Me Jean Chevrier ; la Chambre de commerce et d'industrie demande de constater qu'elle n'est plus en cause et de rejeter toute conclusion qui serait désormais dirigée à son encontre, subsidiairement, de condamner l'Etat à la garantir, et de condamner l'Etat ou tout succombant à lui verser 10.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;


.............

Vu le nouveau mémoire enregistré le 10 avril 2006 présenté pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT , DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER qui maintient ses précédentes conclusions et fait en outre valoir que :


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Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 mai 2008, présenté pour la société Air France et le groupement d'intérêt économique la Réunion aérienne qui maintiennent leurs conclusions antérieures ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 27 mai 2008, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Marseille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2008 :

- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,

- les observations de Me Lyon-Caen, représentant le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, et de Me Guijarro, représentant la chambre de commerce et d'industrie de Marseille,

- et les conclusions de Mme Buccafurri, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 22 mars 1998 à 7 heures 07 heure locale, l'Airbus A320 de la compagnie Air France assurant le vol Marseille-Paris a dû interrompre d'urgence son décollage de la piste 32 R de l'aérodrome de Marseille Marignane après ingestion par le réacteur gauche d'un ou plusieurs goélands leucophées appartenant à un groupe d'une vingtaine d'oiseaux qui volaient à un mètre du sol de la piste ; que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, dont les attributions en matière d'aviation civile ont été reprises par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE fait appel du jugement du 1er février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser une somme de 2.369.212 euros assortie des intérêts à compter du 15 septembre 2000 au groupement d'intérêt économique (GIE) la réunion aérienne, et une somme de 866.151 euros assortie des intérêts à compter du 16 octobre 2000 à la société Air France en réparation des dommages causés à l'appareil lors de cet accident ; qu'il fait valoir à l'appui de sa requête que les premiers juges auraient procédé à une appréciation erronée en ce qui concerne les responsabilités encourues ;

- sur les responsabilités encourues :

- en ce qui concerne la faute commise par l'Etat dans l'exercice de la mission de lutte contre le péril aviaire :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'agent en charge de la lutte contre le péril aviaire qui aurait dû prendre son poste le 22 mars à 6 heures 30 et commencer par une visite de piste, n'est arrivé au plus tôt qu'à 6 heures 40 et n'a pas effectué cette visite ; que selon la déposition même de cet agent, celui-ci s'est d'abord rendu sur la bretelle 3 A avec le « véhicule oiseaux », puis s'est placé près du VOR environ 5 minutes puis s'est dirigé vers la bretelle 2 C lorsqu'il a été appelé pour intervenir sur l'avion qui venait d'être accidenté ; que l'ensemble des positions ainsi mentionnées est situé entre les bâtiments et la piste principale 32 R, et à droite de celle-ci ; qu'en outre, et ainsi que l'a relevé le Tribunal, le contrôleur de la tour, qui ne s'est pas assuré de l'exécution de la visite de piste, n'a pas non plus déclenché de sa propre initiative l'une des mesures adaptées dans le cas, visé à l'article 2.2 de l'instruction° 181 D/NA concernant la prévention du péril aviaire sur l'aéroport de Marseille Marignane, où il serait témoin d'un « phénomène aviaire observable sur la plate-forme », et n'a avisé l'équipage de l'Airbus A320 ni de la présence d'un risque particulier de présence d'oiseaux sur la piste, ni, comme le prévoyait en tout état de cause l'instruction ministérielle précitée, de la diminution momentanée du niveau des mesures de prévention du péril aviaire ; que dans ces conditions, et en l'absence de toute autre précision sur les missions exécutées portées sur les fiches de lutte contre le péril aviaire des 21 et 22 mars 1998 produites au dossier, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucune surveillance spécifique du péril aviaire n'avait été effectuée sur la piste principale depuis la veille à 19 heures 30 ;

Considérant, par ailleurs, qu'il résulte également de l'instruction, et notamment des déclarations du pilote de l'avion accidenté que « lors du décollage, environ 4 secondes avant V1, plus d'une vingtaine de mouettes ont décollé » et que « le vol d'oiseaux était très concentré et réparti symétriquement par rapport à l'axe de l'avion, à environ un mètre du sol » ; qu'il résulte notamment des plans figurant au dossier que la collision avec les oiseaux s'est produite à mi-parcours, à 1780 mètres d'une piste en mesurant 3.500 ; que contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, les premiers juges n'ont donc entaché leur jugement d'aucune inexactitude matérielle en estimant que l'accident avait eu pour cause directe et exclusive la présence au sol d'au moins vingt goélands au milieu de la piste principale de l'aérodrome de Marseille Marignane alors que le décollage de l'appareil était imminent », le terme « milieu » devant être regardé comme s'appliquant à la longueur de l'équipement et non à sa largeur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a considéré que la responsabilité pour faute de l'Etat dans l'accomplissement de ses missions de surveillance était, en l'espèce, engagée ;

- en ce qui concerne le lien de causalité :

Considérant que pour affirmer que les manquements constatés dans l'exercice des missions de lutte contre le péril aviaire ne seraient pas à l'origine de l'accident, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE se borne à soutenir que même si la visite de piste avait eu lieu et si l'agent en charge de la lutte aviaire avait commencé son service à l'heure, l'attroupement d'oiseaux à l'origine de l'accident n'aurait pas nécessairement été détecté ; que toutefois, les manquements constatés ne se limitent pas, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus et ainsi que l'a relevé le Tribunal, à l'absence de la visite de piste à 6 heures 30 et au retard de 10 minutes dans le commencement des missions ; que d'autre part, et en l'absence totale de toute surveillance ayant porté sur le côté gauche de la piste 32 R en bordure de laquelle se trouvait le cadavre frais de hérisson auquel l'Etat impute l'attroupement, l'existence d'un lien de causalité entre ces carences et la non-détection de la présence au sol d'une vingtaine de gros oiseaux doit être regardée comme établie ;

- en ce qui concerne les causes d'exonération invoquées :

Considérant, en premier lieu, que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE fait valoir que les manquements de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille dans l'accomplissement des obligations d'entretien et de nettoyage qu'elle tient de la concession que lui a accordé l'Etat, l'exonéreraient de sa propre responsabilité ; que toutefois, et ainsi que cela résulte des écritures mêmes de l'Etat, le cadavre de hérisson dont l'enlèvement incombait au concessionnaire, ne se trouvait sur l'accotement en bordure gauche de la piste que depuis une demi-heure au maximum, et n'avait pas été signalé par les services en charge de la lutte aviaire ni par le service en charge de la sécurité de la piste ; qu'en ne procédant pas à son enlèvement immédiat, la chambre de commerce et d'industrie de Marseille n'a donc commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles susceptible de constituer une cause d'exonération de la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en second lieu, qu'en ne détectant pas le regroupement de volatiles qui se trouvait à 1780 mètres du début de la piste alors que l'appareil avait atteint une vitesse de près de 150 noeuds, le pilote de l'Airbus A 320 accidenté n'a commis aucune faute susceptible d'atténuer la responsabilité de l'Etat ; qu'en outre, il résulte de l'instruction, et notamment de la transcription des échanges entre la tour de contrôle et l'équipage figurant en annexe au rapport du bureau d'enquête accidents que la collision avec les oiseaux a été signalée dès sa survenance ; que par suite, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ne saurait valablement invoquer des fautes commises par le pilote pour demander à être déchargé de la responsabilité encourue ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à réparer les conséquences de l'accident ;


- sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le GIE la réunion aérienne et la société Air France soient condamnées à verser à l'Etat les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a, en revanche, lieu de mettre à la charge de l'Etat (MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ) une somme de 3.000 euros en application du même article ;

Considérant, enfin, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille, qui, mise hors de cause par les premiers juges, n'était pas intimée en appel ;

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